11/08/2008
Propos recueillis par Marc Vignaud
L'état d'urgence a été déclaré en Ossétie du sud par le président de la région indépendantiste pour faire face à l'urgence humanitaire créée par le conflit avec la Géorgie DAVID MDZINARISHVILI / POOL
Dans la nuit du jeudi au vendredi 7 août, les troupes géorgiennes bombardent la région indépendantiste d'Ossétie du Sud. Le lendemain, l'armée russe entre en action et réplique aux Géorgiens. Laure Delcour, chercheuse à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste du Caucase, explique au point.fr l'origine du conflit et ses enjeux.
Lepoint.fr : Comment sont nées ces régions indépendantes de Géorgie que sont l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie ?
Laure Delcour : Dans les années 1920, les Soviétiques voulaient diluer les nationalités à l'intérieur de l'URSS. Pour cela, ils ont divisé le peuple ossète entre deux Républiques. La République soviétique elle-même a gardé le contrôle de l'Ossétie du Nord, alors que la République de Géorgie (appartenant à l'URSS) a reçu l'Ossétie du Sud. En 1990, au moment de la désintégration de l'ex-URSS, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud ont souhaité devenir indépendantes de la Géorgie, notamment l'Ossétie du Sud, parce que la Géorgie avait supprimé l'autonomie dont elle jouissait auparavant. Ces conflits ouverts se sont soldés par des cessez-le-feu. À cette époque, les Russes avaient pour responsabilité le maintien de la paix, mais jouaient un rôle ambivalent en donnant des passeports russes aux citoyens qui ne voulaient plus de la nationalité géorgienne.
Lepoint.fr : Pourquoi le conflit armé a-t-il éclaté en août 2008 ?
L. D. : Depuis les années 1990, les conflits entre la Géorgie d'une part et l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud d'autre part n'ont jamais cessé. On les appelait des "conflits gelés". L'arrivée de Mikheil Saakachvili au pouvoir en 2004 a changé la donne puisqu'il a fait de la réintégration de ces Républiques une de ses priorités. Les tensions se sont à nouveau accrues au début de l'année 2008 dans un contexte international marqué par l'indépendance du Kosovo - déclarée unilatéralement - et par le projet d'extension de l'Otan (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) à la Géorgie qui inquiétait beaucoup la Russie. Le déclenchement des hostilités a été provoqué par la Géorgie qui a cru trouver une fenêtre d'opportunité en plein été, pendant les Jeux olympiques et à la fin de la période de l'administration Bush qui la soutient. Cet allié pourrait en effet disparaître en janvier prochain, en particulier si Barack Obama est élu à la tête des États-Unis. Mais Mikheil Saakachvili a pris un grand risque en pariant que l'Union européenne et surtout les Américains le soutiendraient sans condition face à la Russie, alors que c'est lui qui a pris l'initiative de bombarder l'Ossétie du Sud.
Localisation de l'Ossétie du Sud et de la Géorgie. Gabriel Jorby © Lepoint.fr
Lepoint.fr : Quels sont les objectifs de la Russie dans ce conflit ?
L. D. : Les enjeux sont considérables. Elle veut assurer la stabilité de la région : il y a un risque réel de contamination au Caucase du Nord, qui est situé sur son territoire. Toutefois, la position de Moscou est relativement ambivalente. Elle ne recherche pas le rattachement de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, ni leur indépendance, car cela risquerait de créer un précédent pour certaines entités du Caucase du Nord en territoire russe. Mais d'un autre côté, elle a de vieux réflexes de grand frère hérités de l'ex-Union soviétique : elle a du mal à abandonner le contrôle dans ses ex-Républiques. La Russie ne peut pas reculer sans perdre la face, même si son intérêt est sans doute de revenir au statu quo en Ossétie du Sud et d'améliorer ses relations avec la Géorgie, comme elle a su le faire avec l'Azerbaïdjan, un voisin de la Géorgie.
Lepoint.fr : Quelle importance le pétrole revêt-il dans la région ?
L. D. : Le pétrole est en toile de fond de ce conflit puisque le Caucase est une région de transit. Un des trois pays du Caucase, l'Azerbaïdjan, est un pays producteur. Il faut donc acheminer le pétrole depuis la mer Caspienne jusqu'à la mer Noire. Une des voies de transport passe par le Caucase, aussi bien pour la Russie que pour l'Union européenne et les États-Unis qui veulent contourner le territoire russe. Les conséquences de ce conflit pourraient être la recherche d'autres voies de passage. On sait que la Russie a cherché d'abord à se détacher de la voie de transit que représente l'Ukraine, elle avait même opéré des coupures de pétrole et de gaz vers l'Ukraine. Il pourrait y avoir d'autres voies comme par la Baltique avec le projet "North Stream" qui doit relier la Russie à l'Allemagne, en passant par la mer Baltique et sans passer par l'Ukraine.
Lepoint.fr : La Russie est-elle prête à accepter une force d'interposition pour régler son conflit avec la Géorgie ?
L. D. : Elle ne peut pas accepter une médiation des États-Unis qui ont soutenu fortement les Géorgiens et les ont même formés militairement. Elle ne peut davantage accepter une médiation de l'Union européenne dans une région qu'elle considère être dans sa zone d'influence. Mais la présidence française de l'Union européenne a quand même une carte à jouer. Paris n'est pas trop mal placée. Mais à deux conditions : que l'Union européenne parvienne à un consensus en son sein, ce qui n'est pas le cas actuellement avec des voix plus tranchées en faveur de la Géorgie qui s'élèvent des pays de l'Est ; ensuite, que la France, qui a la chance d'avoir de bonnes relations avec la Russie, parvienne à entendre son point de vue
http://www.lepoint.fr/actualites-monde/interview-la-georgie-a-cru-trouver-une-opportunite-d-attaquer-en/924/0/266157
18/08/2008 à 11:14
HEURE PAR HEURE : l'accès principal à Gori toujours sous contrôle russe
Par Marc Vignaud (avec agence)
C'est un conflit militaire multimodal doublé d'une redoutable bataille médiatique que se livrent la Russie et la Géorgie . Une lueur d'espoir, les deux belligérants ont signé samedi le plan de paix négocié par le président français Nicolas Sarkozy qui prévoit le retrait de l'essentiel des forces russes et géorgiennes . Mais son application tarde à venir. Nicolas Sarkozy a prévenu dimanche le président russe Medvedev des "conséquences graves qu'une non-exécution rapide et complète de l'accord aurait sur les relations de la Russie avec l'Union européenne " . Lepoint.fr vous propose de prendre connaissance des principales informations du lundi 18 août, onzième jour du conflit.
L'accès principal à Gori toujours sous contrôle russe. Les soldats russes contrôlent toujours le principal accès à la ville géorgienne de Gori, a constaté lundi un journaliste de l'AFP, alors que Moscou doit entamer lundi le retrait des troupes de combat du territoire géorgien. Deux soldats au poste de contrôle distant de 2 km de Gori ont refusé à des journalistes d'accéder à la route conduisant à cette ville géorgienne proche de la république séparatiste d'Ossétie du Sud, à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Tbilissi.
Éviter un divorce définitif avec la Russie. Le président géorgien Mikheïl Saakachvili appelle à des "négociations" avec la Russie afin "d'éviter un divorce définitif" entre les deux pays, dans un discours à la télévision. Il adopte ainsi pour la première fois un ton relativement conciliant. "Nous exigeons le retrait sans délai des forces d'occupation [russes]", répète toutefois le président géorgien pour qui c'est un préalable indispensable à toute négociation avec son puissant voisin. "La Géorgie ne se rendra jamais, ne tolérera jamais la perte de la plus petite parcelle de son territoire", maintient-il face à la menace de sécession de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie.
Relations avec l'Otan. Moscou va revoir ses relations avec l'Alliance atlantique à la suite des déclarations "intolérables" des responsables de l'Otan sur le rôle de la Russie dans le conflit entre la Géorgie et sa république rebelle d'Ossétie du Sud, affirme le représentant permanent de la Russie auprès de l'Otan, Dmitri Rogozine. Les relations entre la Russie et l'Otan "seront de toute façon revues, car les déclarations du secrétaire général de l'Alliance Jaap de Hoop Scheffer sur l'usage excessif de la force par la Russie (...) sont absolument intolérables". "Ce sont des affirmations pas sérieuses, d'autant plus si elles viennent de la part d'un dirigeant d'une organisation comme l'Otan. L'organisation avait utilisé une force disproportionnée contre la population civile, surtout dans le cadre du conflit en Yougoslavie en 1999", a expliqué Dmitri Rogozine dans un entretien au journal officiel russe Rossiïskaïa Gazeta . Les pays de l'Otan ont condamné mardi dernier l'usage "disproportionné" de la force par l'armée russe contre les troupes géorgiennes au cours du conflit en Ossétie du Sud, lors d'une réunion de leurs ambassadeurs à Bruxelles. La réunion extraordinaire Otan-Russie sur le conflit en Géorgie prévue mardi dernier a été annulée, les Américains n'ayant pas assisté à une rencontre préparatoire.
Missiles. La Russie a déployé plusieurs rampes de lancement de missiles tactiques SS-21 en Ossétie du Sud, mettant la capitale géorgienne Tbilissi à portée de tirs, a rapporté dimanche soir le New York Times sur son site Internet. Citant des responsables américains spécialistes des services de renseignement ayant requis l'anonymat, le quotidien américain précise que les sites de lancement ont été localisés au nord de Tskhinvali, capitale de l'Ossétie du Sud. Selon le New York Times , qui cite des responsables occidentaux, des troupes d'élite russes se déploieraient dans la région, ou se prépareraient à le faire. Ces mouvements sont vus par le Pentagone comme une démonstration de force destinée à faire douter certains membres de l'Otan de l'opportunité d'accepter la Géorgie au sein de l'alliance, et non comme un signe selon lequel la Russie envisagerait d'attaquer Tbilissi, précise le quotidien.
État d'urgence en Ossétie du Sud. Le président de la République séparatiste géorgienne pro-russe d'Ossétie du Sud, Edouard Kokoïty, a limogé dimanche soir son gouvernement et a proclamé l'état d'urgence dans cette région indépendantiste, a rapporté la chaîne russe Vesti-24. "J'ai signé trois décrets, dont un sur la démission du gouvernement, un autre sur la proclamation de l'état d'urgence en Ossétie du Sud et le troisième sur la création d'une commission d'urgence chargée de liquider les conséquences de l'agression géorgienne", a déclaré Edouard Kokoïty à cette chaîne. Le président ossète a notamment reproché à son gouvernement une distribution lente de l'aide humanitaire parmi les habitants de l'Ossétie du Sud, en soulignant qu'un fonctionnaire "doit travailler pour son peuple et non pour tirer du profit pour lui-même". L'Ossétie du Sud, qui fait officiellement partie de la Géorgie, mais s'est autoproclamée indépendante en 1992 après la chute de l'URSS, est désormais déterminée à obtenir sa reconnaissance, toute comme l'Abkhazie, autre région séparatiste de Géorgie, après l'échec de l'opération militaire géorgienne pour la récupérer par la force. Les estimations du nombre de victimes civiles de ce conflit varient largement, les autorités russes et les séparatistes ossètes citant le chiffre de 1.500 morts, sans préciser les sources de ce bilan.
http://www.lepoint.fr/actualites-monde/heure-par-heure-des-rampes-de-missiles-russes-deployees-en/924/0/267484
La Russie déploierait des missiles en Ossétie du Sud 18/8/08
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